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PRISME A TERRE

18 août 2013

Lettre I

"Je te dirai ces mots, ces tourbillons d’automne qui fleurissent, fébriles, à mes lèvres perdues.

 

Puisque le soir s’acharne à s’ouvrir sur les tombes, puisque le temps nous traîne le long de ces tranchées immondes, puisqu’il nous faudra toujours camoufler les enfers sous des sourires opaques et puisque je suis là, riche de ces baisers que je regarde au loin, que je regarde, au loin.

 

Tu sais que je ne me survivrai pas.

 

Il n’eut fallu qu’un pas. Un pas, que je ne ferai pas, que la vie me renverra comme une impasse béante, comme un cliché brulé sous des nuées orangées.

Car jusqu’au bout de moi, j’inventerai des vers comme on respire ses rêves.

 

Alors lis dans mes pensées et n’attends pas un signe, je ne t’en ferai pas car je ne saurais me combattre plus longtemps.

 

 A la faveur de l’automne.

Ce n’est qu’un mythe, une éclaircie après l’orage, un bout d’aurore au coin des nuits, ce n’est rien d’autre  qu’un rite qui s’oubliera dans les artères.  Alors valsons de ces chimères qui nous encombrent - délétères.

 

T’avouer pour mieux t’honnir ou s’oublier pour mieux s’aimer. Quelle différence.

 

Je ne veux rien de ce qu’ils veulent m’offrir, rien de ce qu’ils croient pouvoir nous concéder.

Je veux juste une musique pour y verser les pluies et quelques mots pour y noyer mes yeux. Je veux juste le calme d’un vertige où j’irai recoudre les accrocs de ces vies trop longtemps lésées.

 

Lis dans mes pensées et n’attends pas un signe."

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18 août 2013

Lettre II

C., vendredi 25 novembre, 16h59

 

 

« C’était presque l’été.

Presque.

Il y avait ces tapisseries couleurs pastel où le ciel s’allongeait l’œil alerte aux nuages. Oui c’était presque l’été.

 

Embrassant du regard ces collines de chiffres j’ai senti ta présence échauffer mon esprit comme un frisson malhabile à mon corps désincarné.

« Sarah, t’as compris comment on faisait une Ancova ? »

Petit impertinent.

Il a déchiré le voile et j’ai senti la réalité transpercer ma gorge, violemment.

« Pardon ? »

« Heu…une Ancova ? Tu sais comment on fait ? »

Je compte jusqu’à trois, je me lève et je quitte la salle.

1…

« Oui, sauf que tes variables sont quantitatives, tu ne peux pas faire une Ancova, il faut utiliser un test de Khi-deux »

2…

La nuit tombe déjà

« Ah oui merde…bon, je suis mal barré pour l’exam’ »

Je n’aime pas ce jeu, ni ce regard inquisiteur.

Le ciel a recouvert son corps de ces tissus d’hiver et j’ai le mal du jour.

2,5

« T’as déjà rendu  ta dissertation sur la cyber-résistance ? »

Un soupir déconvenue ; qu’est-ce que je fous là. Pose-moi encore une question et je te fusille du regard.

2,7

« Non, pas encore »

2,8

« J’ai une problématique en rab si tu veux. »

2,9

« Je finirai par trouver, merci »

3.

« Heu…Tu vas où ? »

Je pars imbécile.

...

« Melle, le cours n’est pas encore fini que je sache. »

« Excusez-moi, mais…j’ai un impératif »

« Hum. Vous penserez à ramener un justificatif »

« ….Sans faute. »

 

L’été s’est enfui depuis longtemps déjà et je traîne dans ces rues malmenées par la foule, oui ces rues que nos pensées ont ravagées depuis la nuit des temps

 

Alors ces derniers mots avant que le jour ne revienne me hanter :

Un tourbillon, pour qu’il m’emporte aux quais des lunes recroquevillées.

 

Bien à toi »

18 août 2013

Lettre III

R., samedi 26 novembre, 10h24

 

« Un jour de plus.

 

Il y a cette perte de temps, cette perte de vie qui tambourine à mes alcôves.

Quelle connerie humaine.

 

Je suis la parfaite actrice au royaume des faussetés.

Et toi, que fais-tu.

 

 J’ai rêvé de ce cadenas que nous aurions accroché comme des centaines de touristes superstitieux au pont des arts. Un cadenas pour imprimer Paris de nos ailleurs vacants qui m’égratignent quand tu ne me parles plus.

 

Moi, je ne peux plus rien dire, ni avouer, ni révéler la noirceur des grands brûlés.

Je suis saoule d’imposture mon amour.

 

 Crois-tu que nos fièvres nous rapprocheront un jour.

Et puis non, oublie la fièvre et laisse-moi avec mon sale orgueil ; tu ne peux plus rien pour moi, j’ai déjà paraphé le silence et les sentiers ardus.

 

Je te souhaite d’être heureux où que tu sois, qui que tu sois.

 

Pas d’à Dieu, je n’y crois plus.

 

A la vie. »

18 août 2013

Lettre IV

Paris, Champs de Mars, dimanche 27 novembre, 15h13

 

« Je respire, enfin.

Il y a ces feuilles jaunes qui tapissent les allées et j’ai l’impression de vivre un automne à New-York sous les nuages paisibles de l’Outre-Atlantique.

Puis il y a ces gens qui passent, le regard perché vers Dame Eiffel comme s’ils cherchaient dans le ciel quelque étoile salvatrice.

Et ils sourient et me donnent envie de sourire à mon tour.

 

Comme j’envie leur cœur léger, la chaleur de leurs yeux, la frénésie de l’instant présent. Car il y a cette sérénité qui s’épanche de chacun de leurs gestes comme s’ils détenaient ce secret que nous espérons tous un jour atteindre, comme s’ils avaient compris la réalité du mot vivre.

Oui, je les envie.

 

Jouant les photographes amateurs pour immortaliser leur venue aux pieds de la tour de fer, ils m’insufflent ce brin de vie un peu bohème et d’un seul regard tout me semble possible, tout me paraît à portée de mains.

 

Paris, notre histoire n’est pas totalement finie, n’est-ce pas.

18 août 2013

Lettre V

Paris, Théâtre Adyar , dimanche 27 novembre, 19h00

 

« Je ne me souviens pas avoir été aussi heureuse qu’en ce jour là et pourtant je ne me souviens pas non plus avoir été aussi mortellement touchée.

 

Elle était là, dans sa longue robe noire, d’une beauté peu commune et chacun de ses gestes a étranglé mon âme vers des océans  cruels, vers des refuges doux et amers. Elle vivait chacune de ses notes, chacun de ses tressaillements et je me suis sentie partir quand la Chaconne de Bach a résonné dans chacune de mes fibres.

J’aurais damné ma vie pour que jamais ne s’arrête cette musique, j’aurais tué père et mère pour que le temps s’éclipse et me laisse dans cette ferveur, dans ce trouble où bien des choses nous semblent dérisoires. Et dans cette foule silencieuse éprise aux doigts de Maud, j’ai été prise d’un frisson douloureux, d’une pensée meurtrière et je ne crois pas m’être sentie aussi seule qu’en ce moment là.

J’en ai voulu au monde, d’être aussi pathétique et amorphe ad vitam aeternam, j’en ai voulu à ces personnes qui ont ruiné mes espérances, mes envies d’ailleurs, j’en ai voulu à cette guitare qui m’a laissée inconsolable, heureuse et profondément meurtrie par cette musique que je ne pourrais jamais plus atteindre, que je ne pourrais plus qu’écouter, le cœur déchiré, les yeux pleins de larmes assise dans l’obscurité au milieu d’inconnus qui pourtant me paraîtront toujours plus proches que tous les pantins qui ont jamais porté mon nom.

 

J’aurais voulu sentir des bras m’enlacer, j’aurais voulu qu’ils m’étrennent à m’en noyer et à m’en faire oublier tous les poignards, tous les vertiges, tous les regrets, tous les remords, toutes les rages étouffées dans leur soupir.

Mais je crois surtout que j’aurais voulu ne pas être seule.

 

Comme un fantôme, comme un zombie, je suis sortie de ce paradis ô combien cruel et l’esprit hagard devant tant de passion, devant tant de vie inaccessible, j’ai su que plus jamais je ne serais la même. Quelque chose s’était brisé en moi, quelque chose d’intime, quelque chose de fragile et face à la nuit sous le faisceau lumineux de la tour Eiffel qui balayait de son œil le pont de l’Alma, j’ai voulu mourir ou ne jamais rentrer pour quitter cette musique qui paralysait tant mes pensées.

 

Paris, ne m’oublie pas trop vite.

Un jour, je te reviendrai. »

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18 août 2013

Lettre VI

R., mardi 29 novembre, 19h32

 

 

 

"J’écris pour vous ce soir.

 Il y a vous, il y a moi et puis il y a ce monde immense qui nous sépare, qui nous rapproche, qui nous esquinte.

Avons-nous jamais été autre chose que des étrangères, avons-nous jamais vécu dans les peines, dans les silences, dans les blessures de chacune.

Qui êtes-vous réellement.

Plus Je vous regarde et plus je le vois lui  dans ce théâtre digne des plus grandes pièces mélodramatiques. Et la corde au cou, j’ai envie de vous crier que je me refuse à vivre pour le devoir, que je me refuse à vivre pour la jouissance malsaine de quelques-uns quand il me suffit de contempler un tableau de Monet pour comprendre qu’il existe d’autres hémisphères, d’autres croyances bien plus belles que toutes celles qu’on nous endoctrine pour asservir notre soif de vie.

 

Je vous perds chaque jour un peu plus et à chaque seconde perdue au nom de la suprême hiérarchie nos chemins s’estompent un peu plus vers d’autres rives.

 

L’histoire aurait pu être belle.

 

Il était une fois, 3 petites filles… »

18 août 2013

Lettre VII

Paris Saint-Lazare, mercredi 30 novembre, 19h44

 

"Panneau clignotant, aux voyageurs agglutinés devant le quai n°xx

« Incident technique, train de 19h56 en direction des M. annulé »

 

Et merde.

Je crois que si les yeux pouvaient lancer des étincelles, la Gare Saint-Lazare aurait été à cet instant une carcasse de métaux brûlés.

La fatigue, le soir, le froid, l’exaspération, la foule, les pieds écrasés, les accordéonistes, la nuit, la nuit.

 

En route pour rattraper le RER, les pantins se ruent vers la cloche vitrée de Saint-Lazare.

Ligne 3, 9, 13, 14.

Faites vos jeux.

Je n’ai plus envie de presser le pas de la foule.

Sur la 9, il y a Nation que j’ai traversé en long, en large et en travers, mais il y a surtout Voltaire et Charonne…mes stations d’infortune où j’ai marché si souvent et d’où je vous appelais jusqu’à Place…place de la Nation.

Sur la 13, il y a la cohue des wagons pleins à s’asphyxier. La ligne la plus redoutée de Paris où les pantins s’évanouissent comme tombent les feuilles en Automne, et puis il y a Montparnasse-Bienvenue, alors non, c’est encore trop tôt.

La 3, je ne la connais pas et à l’heure où les pensées s’encensent, je vire le cap vers des terres familières.

Alors la 14 me tend les bras. J’irai des Olympiades jusqu’à Châtelet où les flics nous chevauchent du regard,  où l’on n’est jamais sûre de rentrer chez soi tant il ne fait jamais bon de tarder.

 

Pourtant, il était là. Et pourtant, malgré la lourdeur de mes pas, je l’ai entendu. Il chantait cette chanson que j’aimais tant « It’s a little bit funny, this feeling inside, I’m not one of those who can easily hide….I hope you don’t mind…” Et quelle voix…

 

Oui, le train supprimé en valait la peine.

I hope you don’t mind, I hope… »

 

18 août 2013

Lettre VIII

 Paris Saint-Lazare, jeudi 1er décembre, 20h00

 

« Une évidence accrue aux portes de l’indécence.

Laissez-moi fuir ; rien qu’un temps, avant qu’il ne soit trop tard.

 

Je me raccroche à l’épine dorsale du monde en contemplant vos gueules de marins assoiffés. Quelle sorte de vie se balance au fond de vos yeux. Vers quels pavés vos pas s’échauffent-ils.

Moi, je n’ai plus envie de courir, alors que m’importe si le train ne m’attend pas, je marcherai dans les rails noircis de cendre.

 

J’ai trop couru. Trop.  Le long des jours d’enfance, le long des claviers azerty, le long des bouches amoureuses, le long des bras malmenés, le long des mots incertains, le long des cris, des disputes, des frayeurs, le long des couettes où l’on se confine la nuit, le long des yeux dévastateurs ; le long des sommeils agités, les longs des amertumes déracinées, le long des arts à l’arraché, le long des contes salvateurs, j’ai trop couru.

 

20h01

Le train m’a attendu.

Une première.

 

Un siège.

En face de moi, un homme qui tient sur ses genoux un bouquet d’une vingtaine de roses blanches. Elles sont magnifiques.

Il a ce regard d’amoureux transi dont les pensées s’écoulent en toute clarté, selon toutes évidences vers un prénom que je crois lire sur ses lèvres. Il y a quelque chose de surprenant dans le regard d’un homme amoureux. Une beauté insoupçonnée, comme une faiblesse avouée.

Les souvenirs se voilent...et quelques siècles plus tôt je revois d'anciennes attaches.

 

- Sarah, arrête de le dévorer des yeux !

- Quoi ? N’importe quoi, je n’ai fait que répondre à sa question et puis…

-  Allez arrête, on ne me la fait pas à moi, lui aussi a craqué, ça se voit trop

-  Attends attends, qu’est-ce qui se voit

 -  Ahaha, je le savais ! Je vous donne pas 2 semaines.

-  Tu délires mon pote

- C’est ce qu’on dit hein

- Ragh tu m’énerves. De toute façon, il n’est pas pour moi, donc fin de l’histoire. Alors que disions-nous… 

- Surtout te retourne pas, il a les yeux fixés sur toi.

-  Arrête ça…

-  Allez, je suis sûr que ça fait une éternité que t’as pas fait cric-crac !

- Cric…crac ? Je laisse les portes ouvertes à toutes les fenêtres à d’autres

-  T’as pas honte de laisser filer un beau gosse pareil ! En plus si Sa fenêtre à lui est à la hauteur de sa carrure…héhé…La marchandise devrait être..de taille madoumouazelle

 

 

Les souvenirs s’estompent

 

« R. »

Le réel reprend sa place et, je reprends la mienne.

 

20h45

 

Je n’aime pas avoir froid.

 Et dans cette maison où les murs sont marbrés de glace et d’artifices orgueilleux,  j’ai froid. »

 

18 août 2013

Lettre IX

C., vendredi 2 décembre, 15h07

 

"Encore une après-midi en fugue au bal des veuves  toutes de rose vêtues.

Je ne sais même plus pourquoi je fuis tous ces jours anodins empilés à mes cernes.

 

La solitude.

 

J’aime le calme qui sévit sur tes joues, j’aime ces bouffées d’air qui me rappellent la portée diffuse et magnanime du silence. J’aime aussi cette béatitude singulière où il n’y a personne à combattre, personne à aimer, personne à haïr, personne à pleurer, personne à écouter. Où il y a juste à se laisser aller à des songes éveillés où vous n’existez plus, où l’on ne s’est jamais rencontrés et où la paix ravit les tumultes ambiants. J’aime la solitude.  C’est un manoir où brûle un feu immense et d’où l’on peut toujours se réchauffer sans crainte que quelques cendres ne s’échappent de leur âtre.

Alors laissez-moi.

Je ne vous demande rien et ne vous demanderai jamais rien.

Laissez-moi et oubliez que vous m’avez jamais croisée."

18 août 2013

Lettre XI

R., samedi 3 décembre, 17h24

 

 

« Rachmaninov. Je me suis saoulée de cette musique derrière cette porte arquée aux chants des innommables.

 

Samedi, jour de misère pour les comtesses qui dorment dans les chimères. J’ai esquissé ton nom, toi que je ne connais pas vraiment. Pourquoi ton nom ? Je ne sais pas.

C’est dérisoire.

Au bord du XXIème siècle, les femmes portent des jupes et des perruques quand les hommes portent leur queue comme des bâtons hauts levés. Pauvres de vous. La vie vous émascule par l’étroitesse de vos discours.

Si vous saviez l’amour que j’ai commis dans votre absence. Mais pas d’inquiétudes, vous me renierez bien assez tôt, vous cracherez sur mon nom, vous parlerez de moi comme d'une parjure, d'une renégate que vous n’avez jamais vraiment connue, comme de la petite dernière que vous ne faisiez qu’effleurer dans la bienséance de son silence.

  Mes soeurs, ce n’était pas à moi de mener ce combat.  Oubliez la raison de votre âge et fuyez avec moi, avec nous. Nous serions tellement plus fortes à trois.

Vous pouvez toujours franchir cette ligne qui vous paralyse tout autant que moi, mais si je vous sais là, je vous promets de l’effacer pour nous, je vous promets que ma voix ne tremblera pas, je vous promets d’éclater tous ces silences, je vous promets de vous protéger et de ne jamais vous abandonner quoi qu’il advienne.

 

Rachmaninov….»

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