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PRISME A TERRE
18 août 2013

Lettre VIII

 Paris Saint-Lazare, jeudi 1er décembre, 20h00

 

« Une évidence accrue aux portes de l’indécence.

Laissez-moi fuir ; rien qu’un temps, avant qu’il ne soit trop tard.

 

Je me raccroche à l’épine dorsale du monde en contemplant vos gueules de marins assoiffés. Quelle sorte de vie se balance au fond de vos yeux. Vers quels pavés vos pas s’échauffent-ils.

Moi, je n’ai plus envie de courir, alors que m’importe si le train ne m’attend pas, je marcherai dans les rails noircis de cendre.

 

J’ai trop couru. Trop.  Le long des jours d’enfance, le long des claviers azerty, le long des bouches amoureuses, le long des bras malmenés, le long des mots incertains, le long des cris, des disputes, des frayeurs, le long des couettes où l’on se confine la nuit, le long des yeux dévastateurs ; le long des sommeils agités, les longs des amertumes déracinées, le long des arts à l’arraché, le long des contes salvateurs, j’ai trop couru.

 

20h01

Le train m’a attendu.

Une première.

 

Un siège.

En face de moi, un homme qui tient sur ses genoux un bouquet d’une vingtaine de roses blanches. Elles sont magnifiques.

Il a ce regard d’amoureux transi dont les pensées s’écoulent en toute clarté, selon toutes évidences vers un prénom que je crois lire sur ses lèvres. Il y a quelque chose de surprenant dans le regard d’un homme amoureux. Une beauté insoupçonnée, comme une faiblesse avouée.

Les souvenirs se voilent...et quelques siècles plus tôt je revois d'anciennes attaches.

 

- Sarah, arrête de le dévorer des yeux !

- Quoi ? N’importe quoi, je n’ai fait que répondre à sa question et puis…

-  Allez arrête, on ne me la fait pas à moi, lui aussi a craqué, ça se voit trop

-  Attends attends, qu’est-ce qui se voit

 -  Ahaha, je le savais ! Je vous donne pas 2 semaines.

-  Tu délires mon pote

- C’est ce qu’on dit hein

- Ragh tu m’énerves. De toute façon, il n’est pas pour moi, donc fin de l’histoire. Alors que disions-nous… 

- Surtout te retourne pas, il a les yeux fixés sur toi.

-  Arrête ça…

-  Allez, je suis sûr que ça fait une éternité que t’as pas fait cric-crac !

- Cric…crac ? Je laisse les portes ouvertes à toutes les fenêtres à d’autres

-  T’as pas honte de laisser filer un beau gosse pareil ! En plus si Sa fenêtre à lui est à la hauteur de sa carrure…héhé…La marchandise devrait être..de taille madoumouazelle

 

 

Les souvenirs s’estompent

 

« R. »

Le réel reprend sa place et, je reprends la mienne.

 

20h45

 

Je n’aime pas avoir froid.

 Et dans cette maison où les murs sont marbrés de glace et d’artifices orgueilleux,  j’ai froid. »

 

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