Lettre XVII

L., Jeudi 8 décembre, 19h56

« Depuis quand est-ce que tu fumes ?!

Depuis que j’ai commencé à mourir.

Je ne sais pas encore combien de lettres j’écrirai avant que tout cela ne soit plus qu’un mauvais rêve. Je ne sais combien de temps il me reste. Combien de temps à vivre avant que ma fierté ne m’avale et ne m’ordonne de dresser mes souvenirs sur quelques pierres tombales. Je parcours depuis bien longtemps cette route continue sans luminaire d’où je ne peux saisir la distance qui me sépare de la prochaine ville.

La vie.

Ce n’est pas cette destination que nous pointons du cœur quand nos yeux se perdent dans les horizons pourpres orangés, non, ce n’est plus vraiment ça. La vie, c’est cette trajectoire que nous empruntons les yeux bandés quand nous rejoignons  d’autres rives frôlant de la pointe des pieds ces immenses précipices.

Je t’aime tellement…

…et tu ne le sauras jamais.

Accordez-moi le droit au silence pour que je me louvoie dans ma solitude. Accordez-moi le droit de pleurer une toute dernière fois sans que je n’aie à subir vos regards regorgeant de pitié. Je ne veux rien de ce que vous pensez pouvoir m’offrir, je ne veux rien.

Je ne veux rien.

Alors pardon, si je vous ai blessés par quelques mots mal placés, pardon de n’avoir pas été celle que vous espériez, pardon d’être aussi vulnérable et de ne pouvoir que fuir dans mes rêveries quand le mal de vivre s’entortille autour de mes chevilles.

Elle était belle la poésie de mes espérances…qu'elle était belle...

Je t’aime tellement. »